Bandeau tournehem 2

Tournehem sur la Hem

Situé entre saint-Omer (21km) et Calais (27 km), Tournehem-sur-la-he appartient au canton d' Ardres et à l'arrondissement de Saint-Omer. Les habitants de Tournehem-sur-la-Hem s'appellent les Sarrazins.

Etymologie de Tournehem Le nom de « Tornehem » est attesté dans les archives dès 1084. Le suffixe « -ghem » ou « -em », dans de nombreux noms de communes (Balinghem, Rodelinghem, Moringhem, et tant d’autres lieux) désigne la ferme, la propriété seigneuriale. Le radical désigne, quant à lui, le nom du riche seigneur ou du notable qui possédait la ferme, et dont le nom était connu au point de devenir celui du village en question. Tornehem, devenu peu à peu Tournehem, était donc à l’origine la ferme du seigneur Torn, autour de laquelle des maisons se sont agglomérées au fil du temps pour former un village. Cette ferme était sans nul doute située sur le cours de la Hem, le long de la voie romaine de la Leulène (axe principal de circulation à l’époque), et c’est ainsi qu’est né le village, au tout début du IIème millénaire, comme beaucoup de villages des environs, suite à une forte croissance démographique à cette époque.**

Etymologie des Sarrazins
Dans l’Etat Civil, les habitants de Tournehem se nomment les Sarrazins. L’origine provient plus ou moins du terme qui désignait les musulmans au Moyen-Age.
On parlait souvent d'eux comme de farouches combattants, prêts à offrir leur vie pour la cause de la Guerre Sainte (le djihad), mais, par extension, ce terme a désigné aussi peu à peu des populations craintes, éloignées, qu’on connaissait peu et dont on se méfiait. La devise qu’Antoine de Bourgogne a donné au village, « Nul ne si frote »(cf moulin), illustre bien ce trait de caractère : gare à l’ennemi qui vient déranger les habitants de Tournehem, il faut les laisser en paix. Les gens de l’extérieur se sont sans doute montrés méfiants vis-à-vis de ces habitants abrités derrière leurs murs et aux mœurs douteuses : ils les ont donc affublés de l’épithète de « sarrazins », et le vocable a survécu jusqu’à aujourd’hui.

Le château (ruines) S'il ne reste plus aujourd'hui que des ruines et des pierres éparpillées de l'ancien château, c'est que la place sur laquelle nous sommes, a été le théâtre d'affrontements et d'épisodes mouvementés, au cours des siècles. Le château de Tournehem, lieu de passage obligé dans la région (notamment pour se rendre en Angleterre), a été plusieurs fois attaqué et assiégé par les ennemis du royaume. Les combats entre François 1er et l'Empereur Charles Quint, ont beaucoup éprouvé la population, notamment en 1542.

Le siège le plus important a eu lieu en 1595, date à laquelle Henri IV se bat contre les Espagnols qui possèdent alors la région (la Bourgogne étant passée de main en main). Il mène plusieurs batailles dans l'espoir de reconquérir la région et, en 1595, le maréchal d'Humières, qui mène les troupes du roi, fait le siège de Tournehem. Il y avait à l'époque un autre château non loin d'ici, tout aussi important, qui existe encore aujourd’hui : le château de la Montoire, à Nielles-les-Ardres (une légende prétendrait même qu'un souterrain jamais découvert, permettait de relier le château de la Montoire à celui de Tournehem). D'Humières, après le siège de la Montoire, fond sur le château de Tournehem dans lequel les Espagnols se sont retranchés. Après un ultimatum, il fait donner un assaut sanglant qui voit la mort de presque tous les assiégés. Un dénommé Charles Coubronne, chef de poste dans le village, est pendu à un gibier qui se trouvait probablement en contrebas de la place. Le maréchal a donné son nom à une rue du village.

Les Fortifications De ces fortifications part un réseau complexe de passages souterrains. Certains de ceux-ci rallient la chapelle Saint Louis (cf. ci dessous), d'autres se terminent à ARDRES, le chef lieu de canton. En raison de leur dangerosité, les souterrains sont interdits au public et les visites ne sont plus autorisées.

La chapelle Saint Louis (voir photos)Au-dessus de Guémy (hameau de Tournehem) sur un plateau qui offre un panorama magnifique sur le Calaisis, subsistent les ruines de la chapelle Saint Louis, fondée au XIIIe siècle.

Histoire

Antoine de Bourgogne Dit « Le Grand Bâtard de Bourgogne » 1421-1504

1. L’héritier (1421-1451) Antoine de Bourgogne est le fils illégitime du duc de Bourgogne Philippe III le Bon (1396-1467, arrière-petit-fils du roi de France Jean II le bon) et de Jeanne de Presle (v1400-v1440). On ignore le lieu exact de sa naissance, en 1421, mais on peut supposer Bruges ou Bruxelles, où le duc de Bourgogne, entouré de tous les siens, aimait mener la vie de cour. Marié à trois reprises, deux fois veuf, Philippe le Bon a laissé pas moins de 18 enfants bâtards, issus d’une partie de ses 24 maîtresses officielles. L’aîné de ces enfants bâtards, Corneille, hérite ainsi du titre honorifique de « Grand Bâtard de Bourgogne », qui lui assure une certaine reconnaissance et quelques terres (la seigneurie de Béveren, le comté de la Roche en Ardenne…). Les enfants illégitimes du duc grandissent aux côtés de son seul fils héritier survivant : Charles, comte de Charolais, dit le Téméraire (1433-1477).

A son baptême, célébré à Bruxelles, il reçoit un manteau d’hermine. Antoine grandit autour d’un père qui voyage beaucoup dans les terres de son immense duché. En effet, le duc mène une politique de guerres de conquêtes afin de consolider les possessions d’un territoire qui n’a cessé de s’agrandir depuis 3 générations. Au milieu du XVème S, le duché de Bourgogne englobe la totalité du Bénélux actuel, la Flandre, la Lorraine, et fait du duc de Bourgogne le rival direct du roi de France. Philippe le Bon espère un jour transformer son duché en royaume, tandis que le roi de France Louis XI souhaite remettre la main sur des territoires qui échappent à la France depuis longtemps, et les réintégrer au domaine royal. Mais la guerre de Cent Ans, ajoutée à la rivalité entre Armagnacs (partisans du roi de France) et Bourguignons, compliquent durablement les choses. En 1435, le traité d’Arras oblige encore le roi Charles VII à céder la Somme, Mâcon et Auxerre au duché de Bourgogne.

Antoine reçoit donc une éducation largement tournée vers le métier des armes, et n’hésite pas à accompagner les armées bourguignonnes sur le front, et à prendre une large part au combat. Il épouse Jeanne de la Viesville (v1430-v1500), fille du comte d’Aire Pierre de la Viesville et d’Isabelle de Preure, le 21 janvier 1446 à Bruxelles. Son contrat de mariage lui donne une dot de 2000 livres, la seigneurie d’Avesnes le Comte, ainsi que celles de Beuvry et de Chocques. Le contrat de mariage stipule toutefois qu’il ne jouira de ces deux dernières terres qu’à la mort de l’actuelle comtesse Jeanne de Béthune. Lors de celle-ci, les deux seigneuries sont évaluées à moins de 2000 livres ; en compensation, le duc de Bourgogne rajoute la seigneurie de Béveren, alors possession du Grand Bâtard Corneille. Antoine reçoit encore Crèvecoeur, Arleux, Rumilly, Saint-Souplet.

2. L’homme de guerre (1451-1477)

A partir de 1451, on retrouve Antoine sur les champs de bataille contre les armées du roi de France et de ses puissants vassaux ennemis du duc de Bourgogne. Cette année-là, il se bat à Gand, où les habitants se sont révoltés contre la gestion qui leur est imposée. En 1452, il est à Rupelmonde, toujours pour écraser une rébellion. Lors de cet affrontement, le 16 juin 1452, à Bazel (Barsele), son demi-frère Corneille est tué. Antoine se retrouve désormais l’aîné des enfants bâtards du duc de Bourgogne, et hérite du titre que portait Corneille, celui de « Grand Bâtard de Bourgogne ». Il hérite aussi des possessions de son frère : les seigneuries de Steenberghen et de la Roche en Ardenne. Un an plus tard, le 14 mai 1453, Philippe le Bon ajoute la seigneurie de Tournehem, qui fait alors partie du comté de Guînes. Ce comté est coupé en deux depuis quelques temps : au-delà d’Ardres (partie française), Guînes est aux mains des Anglais, ainsi que Calais et son arrière-pays.

La révolte gantoise reprend en 1453 et de nouveaux affrontements ont lieu. Le 17 février 1454, Antoine est probablement présent à Lille, aux côtés de son père, lors du « Banquet du Faisan », lors duquel le duc de Bourgogne jure de mener croisade contre les Turcs qui ont envahi Constantinople quelques mois plus tôt (et provoqué la chute définitive de l’Empire Romain d’Orient).

En 1456, il se bat à Utrecht et, le 8 mai de la même année, il se rend à La Haye, où, lors du chapitre de l’Ordre de la Toison d’or, son père le fait chevalier de l’Ordre et lui donne le précieux collier orné d’un bélier. Philippe le Bon est lui-même à l’origine de cet ordre : il l’a créé le 10 janvier 1430 à Bruges à l’occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal.

Le 30 août 1461, il assiste en la cathédrale de Reims, aux côtés de son père et d’une cour bourguignonne qui occupe à elle seule la moitié de l’assistance, au sacre du nouveau roi de France Louis XI, successeur de Charles VII, qui devient très vite l’ennemi juré du duc de Bourgogne.

En 1464, le Pape Pie II ordonne la croisade contre les Turcs. Antoine prend la tête de l’armée bourguignonne et se rend au port de Lécluse pour y embarquer. Mais le pape décède subitement le 14 août. Antoine, après avoir fait escale à Ceuta, débarque à Marseille. Son armée doit faire face à la tempête ainsi qu’à une épidémie de peste. Apprenant la mort du pape, découragé, il renonce à la croisade et s’en retourne en Bourgogne.

En 1465, le roi Louis XI mène une guerre ouverte contre les Bourguignons, qui ont formé la Ligue du Bien Public avec de nombreux vassaux (dont le duc de Bretagne, le comte de Bourbon…). Les deux armées se rencontrent à Montlhéry le 16 juillet 1465. Les armées françaises paraissent en supériorité mais la bataille est indécise et ne désigne aucun vainqueur, seule la Ligue est écrasée et ne s’en relèvera pas. Antoine se bat aux côtés de son demi-frère Charles, comte de Charolais. Le chroniqueur Philippe de Commynes raconte cette bataille dans ses Chroniques et nous explique qu’Antoine s’était tellement battu qu’il ne lui restait plus qu’un petit morceau de bannière d’à peine un pied de longueur.

Deux ans plus tard, le 15 juin 1467, Philippe le Bon meurt à Bruges, dans son château. Il est inhumé à Dijon. A peine Antoine a-t-il fait le deuil de son père qu’il doit faire face, toujours aux côtés de son frère Charles (désormais nouveau duc de Bourgogne), à une révolte des habitants de Liège contre l’administrateur bourguignon. Le 20 octobre 1467, Charles remporte une première victoire contre les milices liégeoises. L’année suivante, le 3 novembre 1468, en représailles à une tentative de coup de force, il met à sac la ville de Liège.

En 1469, Charles signe le traité de Saint-Omer avec le duc d’Autriche Sigismond de Habsbourg, qui cède encore à la Bourgogne la Haute-Alsace et la Forêt Noire. Jamais la Bourgogne n’a été si vaste. Mais des problèmes de gestion et des révoltes grandissantes des populations soumises commencent à ébrécher la domination bourguignonne.

En 1470, Antoine se bat à Saint-Quentin. Le vent commence à tourner pour Charles le Téméraire, qui essuie plusieurs défaites. Il tente en 1472 le siège de Beauvais, mais la ville est défendue vaillamment par les femmes qui ont pris les armes, galvanisées par Jeanne Hachette, digne héritière de Jeanne d’Arc. Le roi tente de soudoyer les hommes de l’armée bourguignonne et le 1er mai 1473, lors du 12ème chapitre de l’Ordre de la Toison d’Or, Antoine se voit reprocher d’avoir reçu 20000 écus de la part de Louis XI. Le 13 novembre 1474, c’est la bataille de Héricourt, où les Bourguignons, pourtant alliés aux Suisses, connaissent une cinglante défaite. En 1476, les batailles se succèdent, à Grandson le 2 mars puis à Morat le 22 juin. Malgré le renfort des alliés suisses, Charles et ses armées essuient deux nouvelles défaites.

L’année 1477 voit le dénouement de l’affrontement entre le roi de France et son ennemi juré. Le 5 janvier, après une nouvelle défaite décisive, Charles le Téméraire est tué devant les murs de Nancy. Son corps est retrouvé 3 jours plus tard, dévoré par les loups, tandis que, de son côté, Antoine a été fait prisonnier par l’armée française. Au même moment, le roi Louis XI, remonté en Artois, dévaste Arras, repeuple entièrement la ville, puis fait le siège de Saint-Omer, que défend vaillamment le fils héritier d’Antoine, Philippe de Béveren. Louis XI soumet Philippe à un chantage : s’il ne lui cède pas la ville, il tuera son père. Mais Philippe de Béveren n’en a cure : « Certes, j’ai grand amour pour monsieur mon père, mais j’aime encore mieux mon honneur. Aussi je tiens et je tiendrai loyalement mon parti, quand le roi devrait faire de mon père ce que bon lui semble ».

3. Le mécène (1477-1504)

Antoine se tire d’affaire mais doit, contre son gré, faire allégeance au roi de France, qui était jusque là son ennemi. La succession de Charles le Téméraire s’avère délicate : Charles n’a pas d’héritier mâle, et sa fille unique, Marie de Bourgogne (1457-1482), épouse l’Empereur du Saint-Empire Maximilien (1459-1519), quelques mois après la mort de son père. La Bourgogne passe donc entre les mains de l’Empereur germanique, et avec elle toutes ses dépendances (Flandre, Pays-Bas…). L’Empereur livre plusieurs batailles délicates dans le nord, notamment à Enguinegatte (1479). Le traité d’Arras signé en 1482 permet finalement à Louis XI de remettre la main sur la Picardie.

Dans cette région, parmi toutes ses possessions, Antoine de Bourgogne se prend d’attachement pour la seigneurie de Tournehem. Désireux de réaffirmer son héritage et de rappeler la présence bourguignonne, désormais révolue, en Artois, il s’installe durablement dans le village et y fait agrandir le château. Il y mène une vie de riche seigneur, entouré des siens. On lui connaît trois enfants légitimes : Philippe, seigneur de Béveren (qui épouse Anna van Borselem, dame de Vere et Vlissingen, le 4 juillet 1485), Marie, morte en bas-âge, et Jeanne (qui épouse Jasper, seigneur de Culembourg, le 27 février 1470). Comme son père, de nombreuses maîtresses, telles que Maria de Braem, viennent égayer son existence. Maria lui donne un fils, Antoine (qui épouse Klara van Wakkene, fille du seigneur de Wakkene), et une autre maîtresse, inconnue, lui donne Nicolas, qui devient prêtre à Utrecht.

En vieillissant, Antoine cesse le combat et manifeste une importante dévotion chrétienne, qui le pousse à s’investir dans la création d’édifices religieux. Après avoir restauré l’église saint-Médard paroissiale, il fait construire, dans les années 1480, une chapelle sur le mont Saint-Louis de Guémy (alors seigneurie dépendante de celle de Tournehem).

En janvier 1485, par lettres royales, il est définitivement légitimé et reconnu, en tant que Grand Bâtard, par le roi de France Charles VIII (1470-1498), qui le décore de l’ordre de Saint-Michel, et tente par ce moyen de le faire renier celui de la Toison d’Or, car le cumul est impossible. Mais Antoine reste fidèle à ses premiers attachements.

Antoine aime également les arts et les lettres. En témoignent deux visites du philosophe et humaniste Didier Erasme (1467-1536), qui s’arrête en son château lors de voyages dans le nord de la France, et plusieurs portraits qu’il commande aux peintres les plus en vue de la Flandre de la fin du XVème S. Le premier est réalisé par Rogier van der Weyden vers 1461-62. Antoine y est peint vêtu d’un pourpoint de velours brun violet foncé orné de motifs décoratifs en faux relief et représenté sur un fond bleu vert foncé uni, une flèche à la main, et le collier de la Toison d’or autour du cou. Ses cheveux mi-longs et son haut de forme long et conique témoignent d’une mode de l’époque (Musée Royal des Beaux-Arts de Bruxelles). Le second portait est peint plus tard par Hans Memling (musée Condé à Chantilly), mais n’a pas le même éclat.

On peut aussi citer un ouvrage en enluminures qu’Antoine a fait produire, le Valère Maxime de Breslau, qui est déposé depuis 1945 à la Staatsbibliothek de Berlin. Il est réalisé vers 1450 par Philippe de Mazerolles et contient 90 miniatures.

Dans les années 1490, une étonnante longévité lui permet encore d’encourager la dévotion et la pratique religieuse. Il enterre son fils Philippe, le 4 juillet 1498 à Bruges, et c’est son petit-fils Adolphe (+ en 1540) qui devient l’héritier de ses terres. Sentant ses derniers jours arriver, il prend plusieurs initiatives pour assurer la prospérité de sa seigneurie. En 1502, il fait ajouter à l’église de Tournehem une chapelle collégiale administrée par six chanoines. Sur la porte d’entrée, il fait placer un linteau sur lequel est gravée la devise qu’il a donnée à Tournehem : « Nul ne si frote » (« Nul ne s’y frotte »).

Le 24 février 1502, il donne à l’église de Tournehem la ferme de Nielles les Bléquin (12 mesures de terre, dîmes et rentes), et, le 11 mai 1503, il pose la première pierre de la nouvelle église d’Ardres, qui deviendra l’église Notre-Dame de Grâce. On peut y lire, sur le pilier sud-est du transept : « en l’an mil C et II, Xi° jour de mai, anthoine de bourgogne mis la première pierre de cette tour priez pour lui ».

Antoine s’éteint l’année suivante, le 5 mai 1504, dans le château de Tournehem, à l’âge de 83 ans. Il est enterré à Bruxelles, dans la crypte romane de l’église du couvent des Frères Mineurs. Cependant, son cœur est rapatrié à Tournehem, pour y être enterré dans l’église Saint-Médard, aux côtés de sa mère Jeanne de Presle.